Colloque droit de la famille organisé en 2006 par l'Association de Juristes en Polynésie française

e hënë, 18 qershor 2007

III – COMPETENCES DE LA POLYNESIE FRANCAISE

Ces compétences, et pas seulement en matière de droit civil, s’exercent sous la contrainte des compétences générales de l’Etat, que l’on pourrait qualifier de transversales.

Antérieurement au statut de 2004, ces contraintes étaient assez lourdes car elles recouvraient les domaines du droit civil, les principes généraux du droit du travail et les principes fondamentaux des obligations commerciales.

Aujourd’hui, elles se sont sensiblement allégées et elles concernent essentiellement :

- les matières du droit civil qui continuent à relever de la compétence de l’Etat ;

- le droit pénal en ce sens que la répression des infractions aux réglementations territoriales ne peut excéder le maximum des peines prévues pour les lois et règlements de la métropole, en ce sens aussi que les peines privatives de liberté ne peuvent être prononcées par les tribunaux qu’après leur homologation par la loi ;

- les garanties des libertés publiques, lesquelles, aux termes d’un considérant du Conseil Constitutionnel (n° 96-373 du 9 avril 1996) ne peuvent dépendre « des décisions de collectivités territoriales et, ainsi, puissent ne pas être les mêmes sur l’ensemble du territoire de la République ».

Concrètement, il convient de noter que la juridiction administrative de la Polynésie française a jugé que le Territoire est en droit d’appliquer des restrictions instaurées par une loi dans des conditions identiques, mais sans pouvoir les aggraver.

3.1. DES BIENS ET DE LA PROPRIETE

Toutes les dispositions du livre II du code civil relèvent désormais de la compétence de la Polynésie française, à savoir la distinction des biens entre meubles et immeubles, la protection de la propriété, l’usufruit, l’usage et le droit d’habitation.

Il est évident que cette compétence nouvelle ne peut s’exercer que dans le cadre de la garantie des libertés publiques au nombre desquelles figurent les dispositions de l’article 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 aux termes duquel « la propriété est un droit inviolable et sacré ».

Sans remettre en cause le droit de propriété proprement dit, cette opportunité permet d’assouplir ou d’adapter certaines règles comme celle de la prescription acquisitive.


3.2. SUCCESSIONS

Aux termes de l’article 47 de la loi statutaire, le domaine de la Polynésie française comprend les biens vacants et sans maître, les biens des personnes qui décèdent sans héritier ou dont les successions ont été abandonnées.

Les lois et règlements existant avant l’intervention de la nouvelle loi statutaire continuent à s’appliquer avec valeur de règlements territoriaux. C’est donc à juste titre que le Parlement (dans la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006) a exclu de l’application en Polynésie française les articles nouveaux 809 à 811-3 du code civil.

Mais ce faisant, le législateur n’a pas entendu abroger les anciens articles 811 à 814 qui peuvent maintenant être abrogés ou modifiés par une « loi du pays ». Il n’y a donc pas un véritable vide juridique mais l’occasion paraît bonne pour réformer une réglementation, aujourd’hui parcellaire et obsolète.

Plus gênante est l’abrogation pure et simple du décret impérial du 27 janvier 1855 sur l’administration des successions vacantes dans les colonies ainsi que des textes d’extension en Polynésie française. Afin d’éviter tout risque de contentieux, je pense qu’il conviendrait d’adopter rapidement une « loi du pays » sur la curatelle.

3.3. AUTRES DISPOSITIONS

En dehors des successions (sous réserve de ce qui est dit ci-dessus), des donations entre vifs, des testaments, du contrat de mariage et des régimes matrimoniaux qui restent sous la compétence de l’Etat, éventuellement avec la participation de la Polynésie française, toutes les autres matières traitées dans le livre III du code civil relèvent de la compétence du Pays.

Il convient de rappeler une nouvelle fois que cette compétence ne peut s’exercer que dans le respect des principes généraux du droit et, en premier lieu, les principes à valeur constitutionnelle comme la liberté individuelle et l’égalité de tous devant la loi.

Certains points méritent un commentaire particulier.

a) A l’exception des contrats de mariage, toute la réglementation des contrats et des obligations, y compris celle des quasi-contrats, relève désormais de la compétence de la Polynésie française.

Il en est également ainsi des délits et quasi-délits (chapitre II du titre IV), qui, malgré l’intitulé, ne relèvent pas du droit pénal. En effet, ce chapitre (articles 1382 à 1386) n’a pas pour objet de réprimer pénalement les fautes d’une personne mais d’en tirer les conséquences pécuniaires sous forme d’allocations de dommages et intérêts.

Par contre, cette matière ne recouvre pas la procédure de constitution de partie civile, laquelle permet à la victime d’une faute pénalement poursuivie d’être partie à l’instance pénale ; cette matière relève en effet de la procédure pénale.

Enfin, il faut rappeler que la responsabilité civile prévue par le code peut également être engagée en l’absence de toute faute (quasi-délit).

b) Le titre VI traite de la vente et, en application des droits constitutionnels de liberté et du droit à la propriété, pose le principe de la liberté d’acheter et de vendre (art. 1594 du code civil).

En Polynésie française, ce droit peut être limité, en vertu d’une disposition particulière (art. 74 de la Constitution) qui permet de subordonner à déclaration les transferts entre vifs des propriétés foncières lorsque ces transferts sont réalisés au profit de personnes ne justifiant pas d’une durée suffisante de résidence ou de mariage avec un résident.

Lorsque la protection de la propriété foncière le justifie, la Polynésie française peut exercer un droit de préemption sur ces propriétés. Cette entorse n’a été admise par le Conseil Constitutionnel que « dans la stricte mesure nécessaire à l’application des prescriptions constitutionnelles dérogatoires pour la mise en œuvre du statut d’autonomie ».

c) Le titre IX bis traite des conventions relatives à l’exercice des droits indivis. Cette gestion conventionnelle de l’indivision doit être distinguée de l’indivision successorale mais aussi de l’indivision résultant d’un PACS ou de la communauté de biens entre époux, lesquelles relèvent de la compétence de l’Etat.

L’indivision, fruit d’une convention, relève bien de la compétence de la Polynésie française. Elle ne concerne, malheureusement, pas les nombreuses indivisions connues localement et qui ont généralement pour origine, même si elle est lointaine, l’ouverture d’une succession.

d) Au titre XII relatif aux contrats aléatoires, la compétence de la Polynésie française doit respecter les règles de contrôle et les pénalités définies par l’Etat dans le cadre de la pratique des jeux et des paris (article 24 de la loi statutaire).

e) Le titre XV traite des transactions. La Polynésie française était déjà compétente pour réglementer le droit de transaction dans toutes les matières administrative, fiscale, douanière ou économique relevant de sa compétence (article 23 de la loi statutaire).

Cette possibilité est maintenant ouverte pour tous les types de transaction avec la seule réserve, tirée du principe de la séparation des pouvoirs, que la transaction n’empêche pas les poursuites du ministère public.